Disparition d’Ali MANSOURI, 20 ans déjà !

Publié: 5 février 2015 dans Articles de presse

Mansouri Ali
Le 05 février 1995, Ali MANSOURI a été lâchement assassiné par les intégristes islamistes pour ce qu’il représentait : un architecte, enseignant à l’EPAU, ancien Directeur de cette même école. Je me souviens encore quand mon téléphone a sonné, c’était Lotfi Baba-Aïssa, un copain de promo, qui m’annonçait la terrible nouvelle. Nous étions loin, j’étais loin mais Ali MANSOURI n’était pas une connaissance éloignée, c’était mon prof d’atelier en 4ème année, entre 1991 et 1992. Il avait moins de 42 ans. Je me souviens quand il a eu 38 ans car il avait organisé, pour notre atelier, une sortie à Tizi-Ouzzou, pour visiter un chantier, en novembre 1991, en faisant un détour par Beni-Yenni où on a pu visiter l’atelier d’un vieux bijoutier qu’il connaissait bien. Naïma Hassas, une camarade d’atelier, avait ramené une galette et a mis dessus une allumette en guise de bougie qu’il a soufflée dans le car, sur le chemin du retour. Quand on lui posé la question sur son âge, il nous a répondu : « j’ai tuite ans ! ».
Alors, 20 ans après sa disparition, je me suis demandé ce que j’ai gardé en mémoire d’Ali MANSOURI ! Certaines grandes petites choses.
D’abord, les 3 ateliers jumelés qu’il avait initiés avec Nourre Brahimi et Farida Amrouche : Phase d’urbanisme, 3 sites 3 méthodes : K. Lynch, Pannerai & Castex et les 5 éléments. L’idée ne nous a pas séduits de prime à bord, normal, c’était nouveau, mais il s’agissait de comparer, de tester et d’être critiques. Ce n’est pas en 1991 que j’ai compris l’intérêt de ce jumelage, et de son importance pédagogique, mais plus de 10 ans après, quand je me suis retrouvée chargée d’enseignements et que j’ai saisis l’importance de l‘innovation pédagogique quand on enseigne !
Il y a eu, ensuite, le rapport de cette phase urbaine, après le jumelage, Ali MANSOURI nous a incités à rédiger un rapport de synthèse. J’avais décidé alors de le faire sous forme littéraire, je voulais le provoquer en m’appuyant sur l’impertinence et l’arrogance qui caractérisaient mes 22 ans ! En le lui rendant, je lui ai dit : «Cheikh !, j’aurai la meilleure ou la pire note de l’atelier ! ». Il ne m’a rien dit. Deux jours plus tard, en atelier, il vient vers moi en disant : « tu as raison ! » sans plus. Ali MANSOURI ne s’était pas arrêté à mon arrogance et à mon impertinence, non, il les a dépassées et a plutôt reconnu le fait que je sois sortie des sentiers battus ! C’est important quand on enseigne et on forme de jeunes esprits. Je ne le savais pas à l’époque, mais aujourd’hui je l’ai très bien compris.
Il y’avait également les sorties « culturelles » qu’il encourageait : une exposition de peinture au Palais de la Culture ou encore un ordre de mission remis en 2 heures à Lamia Lamani qui voulait et pouvait visiter un salon professionnel à Paris, à condition de nous ramener de la documentation et du chocolat, et ça s’est fait simplement ! Il nous disait que « la culture ce n’est pas que les revues AA et TA mais c’est tout ce qui vous entoure. » Il y a eu cette journée à Tikjda ou encore ce voyage au Ghoufi qu’il nous a permis d’organiser en janvier 1993.
Ali MANSOURI était direct avec nous et essayait toujours de nous bousculer dans notre manière de travailler : il n’arrêtait pas de nous taquiner à propos de nos « faibles » productions en atelier en regrettant la belle époque de Wacyl Lamdani et Fériel Kezzar (2 promos avant nous !), non pas pour nous humilier, mais pour nous tirer vers le haut. Parfois, il était énervant car pas forcément compris. Il nous disait, toujours pour critiquer nos productions : « il y a l’Art, il y a le Lard et il y a El-Aar ! ».
Il y a eu le fait qu’il ait été Directeur de l’EPAU sur une courte durée, moins de 2 ans je crois. Je n’en ai jamais discuté avec lui mais j’émets une hypothèse : il ne s’est pas « agrippé » au siège car il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait et qu’il préférait rester un enseignant-formateur car c’est plus utile. C’est juste une hypothèse.
Il y a eu la cérémonie de la remise de nos diplômes à l’EPAU et le bal de notre promotion aux Pins Maritimes en juillet 1993. Il a rigolé avec nous durant toute l’après-midi et a dansé avec plusieurs de ses collègues et étudiantes.
Ali MANSOURI était un bon vivant, un joyeux personnage et un très bon enseignant-formateur. Il ne faisait certainement pas l’unanimité au sein de la communauté de l’EPAU, mais personne, parmi les étudiants, les enseignants et le personnel administratif, ne doutait de son dévouement pour son métier et de son engagement, sans faille, envers l’EPAU.
Repose en paix Ali MANSOURI, pour des milliers de bonnes raisons, nous sommes nombreux à nous souvenir encore de toi.
Dahbia MEDDAHI, une étudiante parmi tant d’autres.

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