Voeux de Mme Anissa ASSELAH


Anissa Asselah – Présidente de la Fondation Ahmed et Rabah Asselah – Culture-Algérie –

Si je pouvais disposer des tablettes du destin, J’y inscrirai tout ce que je désire,

Je supprimerai carrément le chagrin dans le monde Et  au comble de la joie, j’élèverai la tête jusqu’au ciel.

Omar Khayyam

A l’orée de chaque année, les humains se souhaitent et souhaitent à leurs semblables une meilleure année. Tous formulent des vœux et rêvent du meilleur.

Je satisfais à cette tradition qui, peut-être, est la seule et la mieux partagée par les Hommes, par delà les religions, les races et les continents.

Ce moment est magique, il libère l’amour, enterre la haine. Les Hommes se regardent comme des Hommes, leurs cœurs se réveillent. Il leur arrive même de partager, de se voir sans couleur, ou en une seule couleur, d’une même caste, d’un même pays : le monde.

On dit que ce jour là, même les guerres s’arrêtent comme pour donner une chance à la vie.

Je rêve que ce jour soit tous les jours. J’espère l’insensé me diriez-vous, mais, disait Héraclite :  » Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas ».

Je souhaite une bonne année, parce que j’espère.

J’espère que les morts protègent nos mémoires, que les exclus, tous les exclus se présentent chaque jour devant nos consciences, que l’image des veuves et des orphelins des tragédies humaines se grave indéfiniment dans nos esprits.

J’espère que l’indignation rentre dans les palais et les salles de délibérations et gouverne les actes des gouvernants.

J’espère que nos gouvernants aient la « mémoire du passé, l’intelligence du présent et la prévoyance de l’avenir » ; qu’ils sachent comme disait Aung San Kyi « qu’aucune machinerie, fut-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours car la peur n’est pas l’état naturel de l’homme civilisé. »

Cette année ouvre un autre siècle.

Il est accueilli à la fois avec optimisme au regard des multiples opportunités ouvertes à l’humanité par la science et avec pessimisme face aux ravages causés à la planète et aux inquiétudes générées par la montée des nouvelles intolérances ; la lune d’un côté et Dolly de l’autre, le monde à portée d’avion et d’internet d’un côté et de l’autre, les barrières de toutes sortes y compris celles de l’Esprit.

Un monde unipolaire se construit chaque jour plus solidement, les faibles n’ont que leur faiblesse, les autres imposent leurs valeurs. L’Homme et son bien-être sont des statistiques. Les historiens peuvent gloser à loisir, cela donne toujours de la lecture, à défaut de remplir les ventres et de soulager les souffrances.

N’en déplaise aux esprits chagrins, le siècle à venir sera celui de l’éveil citoyen. Les barbaries ne pourront triompher, même si, dans mon pays comme dans tant d’autres, elles se sont attaquées aux esprits élevés.

En de tels moments de doute, l’optimisme de la volonté comme disait Lucien Sève, n’a rien d’insensé.

A l’un de ses amis qui l’interrogeait sur l’avenir de la citoyenneté en Algérie, juste après les premiers assassinats, Ahmed Asselah, optimiste impénitent, a fait le pari qu’ils fêteront le jour de l’An 2000 à Alger pleine de rires d’enfants. Le destin ou plutôt les barbares des temps modernes en ont décidé autrement. Mais Alger qu’il aimait d’un amour charnel fêtera le jour de l’An, les orphelins de Raïs continueront à peindre les fresques pour exorciser le mal qui les ronge depuis cette tragique nuit, ceux des faubourgs viendront à la Fondation pour apprendre le langage des signes, les artistes diront par les couleurs leurs rêves et leurs espoirs.

Nous sommes des millions « à apprendre à nouveau à lire sur une pendule où les hommes dévorés par leurs luttes de pouvoir, ne savent plus toujours déchiffrer le temps ».

Mes vœux de bonne année à tous. Que demain réveille les mémoires aujourd’hui honteuses.

Message publié dans le Journal Le Matin du 1er Janvier 2000

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