RAIS ….


 

Par Keltoum STAALI

ses enfants abîmés pour toujours voile du sang des sangs sur les dessins la toile blanche coupée en deux les portraits éventrés corps traversés par l’écharpe rouge emblème macabre medhbouhin égorgés

le chant dans une école de refuge la parole qui se détache mais l’horreur ineffaçable malgré tous les psys de la terre

qui ne peuvent avec eux seulement compter les morts écouter les récits des pères qu’on humilie qu’on assassine

qui réussissent à se cacher à leur grande honte

les enfants sont restés seuls

livrés aux bourreaux

leurs larmes larmes d’enfants trahis abandonnés personne pour les protéger du cauchemar égorgés brûlés témoins que peut la parole même libérée que peuvent leurs pauvres chants de souffrance de souvenirs

les maisons ont brûlé leurs parents sont morts à moitié vivants leurs mères enlevées disparues mortes peut-être pas à coups de hache

les jeunes filles enlevées il aurait mieux valu mortes

les bébés tombent des bras de leurs mères frappées morts à coup de haches battues les petites filles sans khimar dans la rue personne pour les défendre n’être plus des parents n’être plus des hommes regarder le désastre survivre aux enfants ils parlent ils dessinent leurs larmes coulent et ne coulent pas leurs mots s’enfoncent dans leurs gorges étranglées de couteaux d’insultes les enfants de Rais sont des survivants qui n’ont plus de petits frères leurs mères sont vides et mortes des bébés qu’elles ont lâchés aux mains des terroristes irhab leur poitrine délirante nourrit en vain des bébés morts

Hakim le petit prince le petit roi a été circoncis mais son bébé de petit frère de six mois est tombé sa mère l’a laissé tomber il a reçu un coup de hache sur le crâne crâne fracassé bébé encore vivant pour quelques instants seulement la fête est gâchée pour l’éternité d’un enfer Abdelhak plus vivant plus mort que vivant crâne défoncé il pleure encore sa mère mémoire fracassée parole dévastée où est son père où sont les pères où sont les hommes qui sont ces hommes

la peur de mourir la peur de mourir qu’a-t-elle fait d’eux il est mort on le pleure son père ne peut plus le pleurer il ne sait pas lui-même qu’il est mort près de l’olivier morts tous les deux enterrés très vite c’est la coutume les enfants n’ont plus d’enfance n’ont plus de mots plus de dessin Assia où est-elle dans ce carnage qui la supprime elle qui jouait comme pas une medhbouha égorgée écharpe rouge

aucune petite fille pour remplacer Assia la camarade de jeu qu’elle était la camarde a dévoré la beauté l’innocence à sa place l’amnésie obligée le silence imposé la parole illégale la justice escamotée on pleure dans les cimetières on se lamente en commente on rit plus jamais le monde s’est tu devant tant de souffrance les arbres n’ont rien dit ils ont accueilli à leur pied les corps coupés les gorges laminées les chairs rougies la terre n’a rien dit a bu les sangs s’est couverte de sang rouge sur la toile blanche rouge rouge et noir comme cette nuit obscène où on tue au présent le massacre s’inscrit dans un présent désespéré un par un on compte on vérifie les morts on les achève si nécessaire océan de morts tapis de morts on marche sur les morts

quelque part Said se prépare apprivoise la mort qui le recherche activement il y a longtemps qu’elle a jeté sur lui son dévolu voile puant sa toile d’araignée mortifère qu’elle glace son sang pour qu’il savoure longtemps à l’avance et comme à petit feu son goût d’abomination il attend la mort sa prison grise aux barreaux de linceul il l’attend il sait que son heure approche il ne se cache pas ne se tait pas il lui parle l’apprivoise s’approche d’elle toréador sublime il secoue devant ses yeux atones aveugles comme la barbarie assassine terroriste terreur qui fait surgir la bête il secoue le chiffon rouge de la liberté de la vie qui n’a pas donné son dernier mot ses derniers mots il les écrit ils lui survivront il le sait comme il sait qu’il va mourir qu’un jour ses derniers mots ses pieds-de-nez quelqu’un les reprendra après lui les relira pour dire mourir se taire mourir de ne pas se taire de ne pas se terrer dans la peur narguer les assassins toréador dans l’habit de lumière de son insolence drapé dans la liberté qui ne cède pas même la peur est gênée aux entournures écrire la liberté avant le sang écrire la liberté contre le sang pour un pays où les enfants auront un jour le droit de jouer

keltoum staali

03 / 04 /2011

Inspiré du documentaire  » L’arc en ciel éclaté  » de Belkacem Hadjadj

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